Chef Mauro Colagreco

“LE MIRAZUR

30 Av. Aristide Briand
06 500 Menton”

L’un des meilleurs chefs au monde a su trouver un style qui lui est propre, entre interprétation du produit et envolée de saveurs. Affranchi de son héritage culturel italo-argentin, Mauro Colagreco puise au fil de son intuition dans la culture locale des deux côtés de la frontière. La mer, la montagne, les fruits et légumes de ses propres jardins… Ce virtuose des fourneaux imagine des partitions picturales qui jouent sur les textures et les associations audacieuses.

 

Quelle est votre Madeleine de Proust ?

Quelle saveur, quel plat symbolise votre enfance ?

Sans doute les saveurs des plats cuisinés par ma mère. Les plats qu’elle prenait soin de me préparer le midi, au retour de l’école. Je garde encore cette sensation de joie, d’entrer dans la maison et de sentir ce voyage sensoriel à travers les arômes qui envahissent la cuisine… Tous les pots au feu – ma mère était très bonne pour les préparer – touchent cette fibre de la mémoire qui est reliée à mon enfance, les gnocchis aussi avec une délicieuse sauce tomate.

Une odeur, un parfum particulier qui rappelle la cuisine de votre enfance ?

Le figuier est un arbre qui a marqué l’histoire de ma famille du côté paternel, une tradition qui est passée de génération en génération et qui a relié l’Italie et l’Argentine avec ces immigrants qui ont voulu venir avec une bouture de figuier dans leurs valises. L’arôme que sécrète l’arbre de figuier, me rappelle l’été et mon enfance, ce n’est pas un plat, mais cette odeur, cette histoire et ce lien à travers le vivant m’a inspiré pour créer un pré dessert aux figues qui est devenu un plat signature.

Avez-vous une recette familiale que vous aimez particulièrement refaire encore aujourd’hui ?

Il y a l’asado, cette tradition Argentine du barbecue. Un moment, pour se réunir en famille, pour allumer un feu ensemble et partager un repas. C’est un moment social fort qui crée et fortifie les liens familiaux et d’amitié. Nous essayons de continuer à recréer ces moments, qui se passent, la plupart du temps, à l’air libre, dans la nature, dans le jardin.

Quel est votre plat préféré dans le monde entier et depuis toujours ?

Simple et universelle, une bonne soupe c’est quelque chose que j’apprécie énormément. Un bouillon bien fait, c’est une ‘alchimie amoureuse’ à la portée de tous, si on y met du soin et de l’amour. C’est le plat préféré de mon père. Une bonne soupe ça étonne et réconforte toujours et c’est unique, dans le sens où c’est le produit d’un mélange, de proportions et d’ingrédients, qui appartient à un moment, à une personne, à une cuisine…

Un lieu particulier qui a marqué vos souvenirs savoureux ?

La maison de mes grands-parents à Tandil, dans la campagne de la province de Buenos Aires. Le contact avec la nature, les visites à la ferme, la joie de nos grands-parents de nous accueillir chez eux, les grands repas, les pâtes de ma grande mère, les asados de mon grand-père -notamment le cochon-. C’était le moment de nous retrouver entre cousins aussi. On se sentait libres et gâtés dans tous les sens.

Un établissement où vous adoriez aller enfant ?

J’adorais aller manger des glaces dans une glacerie du petit village de mes grands-parents à Tandil. Il s’agissait d’une famille d’italiens, Renzzo, qui faisaient les saisons d’été en Italie et en Argentine. Je n’ai jamais goûté de glaces aussi délicieuses. C’est un souvenir si merveilleux que parfois je rêve d’ouvrir une glacerie !

Qui vous a inspiré pendant votre enfance et vous ont donné le goût de la cuisine ?

La grande muse inspiratrice a été Amalia, ma grande mère branche paternelle qui était une vraie fée en cuisine. Tout ce qu’elle touchait devenait un délice pour le corps et pour l’âme, parce qu’elle travaillait avec un amour et un sentiment de générosité débordante. Le pain de partage, le premier aliment que je sers à table, tiède et parfumée, est un hommage à elle et ces moments d’enfance et de joie autour de la table

Est-ce que l’on perd son accent mais pas ses racines ?

Si on reste connectés avec ses passions, si on cultive les valeurs transmises, on reste connectés avec ses racines. Après on se rend compte que beaucoup de ses valeurs comme le partage, le sens d’hospitalité, le goût des belles choses, ce sont des valeurs universelles qui nous relient à des racines plus amples encore, à cette famille humaine. Les racines sont de vrais écosystèmes, on dit que les racines des arbres communiquent à travers les profondeurs de la terre. Voilà comment je ressens les racines aujourd’hui.

À vos débuts, quelles ont été vos plus belles émotions vécues en cuisine ?

La première fois que j’ai mis les pieds dans une cuisine, c’était à Buenos Aires, au restaurant d’un ami à qui j’avais demandé du travail pour pouvoir payer mes études de gastronomie. Il m’a invité à faire le service et c’est à ce moment-là que me suis rendu compte que c’était vraiment ça ce que je voulais faire ! Cette adrénaline, cette émotion du service, ce côté à la fois concret et éphémère qui comprend la réalisation d’un plat, ce sont des choses qui ont agi comme une révélation pour moi à l’époque et aussi la confirmation que j’avais choisi le bon chemin.

La table et les repas de votre enfance ?

La grande table de la maison de mes grands-parents. On était une vingtaine à table, nous étions presque 10 enfants, c’était animé, beaucoup ! Et la nuit on improvisait un grand lit avec des matelas que mon grand-père mettait dans la salle à manger en dessous de la table. Cette table, en fait, est au centre de mon enfance.

Y a-t-il un vin qui vous raconte une histoire ou fait écho à vos origines ?

Sans doute le malbec, un vin très présent dans les tables en Argentine et qui fait le lien entre les deux pays.

Une boisson d’enfance que vous aimez particulièrement ?

Le thé avec du citron qui venait d’être récolté de l’arbre du jardin de mes grands-parents. C’est un souvenir encore lié à ma grande mère Amalia, la nuit, après le dîner elle faisait un thé dans une grande tasse de céramique dans laquelle elle glissait une paille. Le thé était bien sucré et elle ajoutait des citrons coupés en morceaux. Elle nous faisait asseoir en rond au sol et il fallait faire circuler cette grande tasse tiède entre nous pendant qu’elle nous racontait des histoires.

Un mantra, une citation qui vous tient à cœur depuis toujours ?

« Soyons réalistes, rêvons l’impossible » du Che Guevara. Une devise que j’avais faite imprimer et encadrer pour mettre dans la cuisine du Mirazur et pour rappeler à mes équipes qu’il ne faut jamais abandonner ses rêves.

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