Chef Alexandre Mazzia

“AM PAR ALEXANDRE MAZZIA

9 Rue François Rocca
13 008 Marseille ”

Un trois étoiles en dehors des codes… Cet alchimisteexplorateur bouleverse les papilles et « met à plat » son esprit créatif pour nous conter une toute autre histoire. On apprécie son audace, ses mélanges très osés, sa palette gustative désaccordée mais qui pourtant sonnent extrêmement juste. Alexandre Mazzia se réapproprie la gastronomie française pour nous dédicacer une cuisine sertie d’émotions et de sentiments.

 

Quelle est votre madeleine de Proust ?

Je n’ai pas forcément de madeleine de Proust mais en revanche plein de souvenirs d’enfance qui m’ont marqué. Les couchers de soleil ocre, la terre rouge, les gorges de Diosso mais aussi mon grand-père sur son bateau. La madeleine de Proust serait de revivre ces moments intemporels !

Comment vos saveurs d’enfance ont façonné le cuisinier que vous êtes aujourd’hui ?

Le côté ferreux du poisson ainsi que le côté fumé avec la peau grillée au barbecue… C’est quelque chose qui est important pour moi. Il y a aussi le côté piment et relevé qui donne un aspect supplémentaire au pouvoir gustatif. La cuisine que je fais aujourd’hui c’est la curiosité, c’est la compétence que j’ai acquise d’approfondir de manière presque chirurgicale ces saveurs. Je nage aujourd’hui dans un environnement qui est mien ce qui me permet de me les réapproprier avec mon propre langage.

Un produit inattendu ou méconnu que vous avez toujours apprécié ?

Il n’y a pas de produits à proprement parlé mais plutôt des associations complétement méconnues que j’apprécie et que je fais découvrir à mes clients comme la framboise-harissa, l’anguille fumée chocolat-noir… Les produits inattendus sont ceux travaillés là où on ne les attend pas, d’une autre manière. Il n’y a pas un produit que je repousse, ou que je n’aime pas cuisiner, le travail de la matière et de la fibre c’est le travail de ma vie. Parfois je travaille aussi le manioc, méconnu et mal aimé par sa texture, mais qui aujourd’hui par l’intermédiaire d’une raviole, devient fondant et agréable.

Une douceur sucrée, un péché gourmand ayant bercé votre enfance ?

Au Congo, les seuls sucres qu’il y avait, c’étaient ceux des fruits exotiques, que ce soit la mangue, la papaye, les bananes et les mini-bananes. La seule chose qui était un peu inattendue pour tout le monde, c’est que moi je les passais au barbecue. Ce qui me rappelle également mon enfance, c’est la banane écrasée sur des cacahuètes.

Avez-vous une recette familiale que vous aimez particulièrement ? 

En Afrique, ma maman faisait des pommes de terre farcies avec un filet de capitaine au four. Aujourd’hui c’est totalement différent… Il n’y a pas de recette ancestrale que je refais particulièrement. L’important c’est les moments de partage. J’aime la curiosité de ma fille et la gourmandise de mon fils. Je leur fais des plats qu’ils apprécient tout simplement.

Quel est votre plat préféré dans le monde entier et depuis toujours ?

Mon plat préféré va être un souvenir savoureux comme le bol de chicorée que préparait ma grand-mère avec une tartine de pain frais et des gros morceaux de beurre demi-sel. 

Quand j’étais Chef de Partie, il y avait aussi le thon à la catalane que je mettais dans une simple baguette. 

Cela me rappelle d’où je viens, une simplicité, un jeune homme passionné qui n’avait pas de sous et qui mangeait une boite de thon chaque jour.

Un lieu particulier qui a marqué vos souvenirs savoureux ?

Une maison de famille avec des chais à Courcoury, près de Saintes et de Cognac. Il y a aussi la maison de mes grands-parents à Rivedoux (Sablanceaux) où mon grand-père écaillait et vidait le poisson, où j’ai fait ma première purée, mon premier barbecue, mon premier pain perdu à la cheminée et où j’ai appris à faire baver les escargots.

Un établissement où vous adoriez aller enfant ?

Quand nous étions revenus en France, chaque dimanche matin, mon père m’autorisait à aller chercher à la boulangerie les pains au chocolat, les croissants et les chaussons aux pommes. J’avais 14 ans et pour moi qui venait d’Afrique, c’était toute une épopée. J’étais très fier, c’était le début de l’indépendance.

Le restaurant où vous rêviez d’aller dîner (ici ou à l’étranger) ? 

Je n’ai pas de restaurant où je rêve d’aller particulièrement. Le seul restaurant que j’ai envie de faire c’est celui où je partagerais le meilleur moment qui soit avec ma famille, où il y aurait des rires et des sourires. Mais j’irais volontiers chez le chef Ángel León pour son travail sur la mer, sa cuisine qui raconte une histoire mais aussi pour le personnage qui est assez incroyable.

Des rencontres dans votre enfance qui vous ont marqué ?

Enfant, j’ai toujours été quelqu’un de timide qui ne voulait pas faire de vagues. J’ai rencontré des personnes incroyables sur mon chemin, notamment en brousse, en Afrique… Des personnes seules en forêt qui m’ont parlé avec un nouveau regard, ce qui a changé beaucoup de choses.

Est-ce que l’on perd son accent mais pas ses racines ?

Les racines sont toujours là, toujours présentes. On ne perd rien, c’est juste le temps qui fait. Il ne faut pas perdre de vue comment vous êtes construit, quelles sont vos premières pensées ou vos premières idées. La première impression est souvent la bonne. C’est bien de garder cet instinctif et de le choyer.

Quel est votre plus beau souvenir gustatif ?

J’en ai plusieurs… Ceux avec mon grand-père sur les plages de Sablanceaux avec le poisson grillé. Le souvenir de manger du saka saka au bord de l’eau avec des amis à la Côte Sauvage ou à la Pointe Indienne au Congo. Mon plus beau souvenir gustatif sera le prochain, celui que j’aurai à partager avec des rires et des sourires en famille.

Comment étaient les repas de votre enfance ?

Les repas de mon enfance c’était calme, parfois rapide mais toujours ensemble. Les repas de famille avec mes cousins, mes tantes sont de beaux souvenirs car les week-ends ma grand-mère recevait beaucoup. Il y avait de grandes tables avec des feux de cheminée et quelqu’un qui jouait de la musique, du piano.

Le casting d’un dîner « Madeleine de Proust » chez vous ?

À ma table j’inviterais : Jean d’Ormesson, Pierre Gagnaire, Florence Arthaud, Magic Johnson, Michael Jordan, Joan Miro, Kandinsky, Mozart et Simone Veil, Carl Lewis, Mohamed Ali, Jacques Chirac et Denis Sassou-Nguesso, le président du Congo, David Toutain, et le comte de Bourderbala pour avoir des esprits éveillés et positifs autour d’une discussion.

 

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